INTERVIEWDr. Laurent Alexandre: «Le cancer sera une maladie chronique maîtrisée en 2030»

Dr. Laurent Alexandre: «Le cancer sera une maladie chronique maîtrisée en 2030»

INTERVIEWChirurgien et spécialiste du décodage du génome, il entrevoit le début d’une révolution médicale à travers la cancérologie…
Un fragment d'ADN.
Un fragment d'ADN. -  PURESTOCK/SIPA
Romain Scotto

Romain Scotto

Dans les années à venir, il faudra sûrement intégrer un module «Big Data» à la formation des étudiants en médecine. En cancérologie, ce serait même indispensable selon Laurent Alexandre, chirurgien urologue, fondateur de Doctissimo et DNAVision, une société de séquençage ADN. La puissance informatique pourrait permettre à la médecine de maîtriser le cancer à l'horizon 2030. Une idée qu'il développe dans son dernier livre, La défaite du cancer, paru aux éditions JC Lattès.

Vous parlez d’une défaite du cancer d’ici à 2030. Est-ce que cela signifie «en guérir»?

Non, cela signifie qu’il sera mis sous contrôle comme le sida aujourd’hui. Ce sera une maladie chronique. L’espérance de vie des gens atteints est la même que ceux qui ne le sont pas, moins deux ans. C’est une maladie désagréable avec des traitements lourds, mais on ne meurt plus. Le cancer va devenir une maladie de même nature.

Pourquoi cette échéance de 2030?

Parce que c’est le moment où l’analyse génétique des tumeurs et les nouveaux types de thérapies fonctionneront à plein. On aura des traitements personnalisés en fonction des caractéristiques génétiques des tumeurs. Et il y aura des dépistages très précoces, en séquençant le sang des gens pour repérer la présence d’une tumeur des années avant qu’elle soit visible au scanner.

Vous dites que les héros du cancer seront plutôt des informaticiens que des médecins. Quel sera l’apport du big data?

Ce sont les nanotechnologies et l’augmentation de la puissance informatique qui vont permettre de faire reculer le cancer de façon significative dans les quinze années à venir. Il faut analyser 20.000 milliards d’informations pour analyser les caractéristiques génétiques d’une tumeur. Il faudra traiter chaque cancer avec une thérapie sur-mesure. C’est maintenant permis par l’explosion des capacités informatiques. Pour comprendre l’ennemi, il faut connaître ses faiblesses, ses caractéristiques. Le Big data sera la principale arme contre le cancer.

Les médecins pourraient donc disparaître?

Ça pose un grand problème. Effectivement, ce volume énorme de données ne peut plus être traité par un cerveau humain. Il faut des ordinateurs des systèmes experts, des algorithmes. Cela suppose que les médecins se forment à ces techniques qu’ils ne comprennent pas aujourd’hui. C’est un changement important dans la façon de travailler. La cancérologie est finalement le début de la révolution de l’exercice médical.

Comme être sûr que la nature ne prendra pas le dessus une fois de plus? Le génome des cellules cancéreuses s’adapte, mute…

Des mutations du cancer, il y en a plein. Il y a des résistances en permanence dans le cancer. C’est pour cela que c’est extrêmement compliqué, que les ordinateurs doivent être puissants. Cette résistance génère cette complexité très importante de la biologie du cancer. C’est le point central.

D’ici à 2020, chaque cancéreux bénéficiera d’un séquençage de sa tumeur. Comment le financer?

Le premier séquençage ADN a coûté 3 milliards de dollars. Là, on a passé la barre des 1.000 dollars par séquençage. 1.000 dollars, ce n’est rien par rapport à une cure de chimiothérapie sur une année qui coûte des dizaines de milliers de dollars. C’est comme le prix du siège bébé par rapport au prix de la voiture.

On est forcé de préciser que vous êtes patron de DNAVision. N’y a-t-il pas un conflit d’intérêts?

Il n’y a aucun conflit d’intérêts commercial dans ce que je dis car je ne fais jamais de séquençage ADN de particuliers. Je suis formellement opposé au séquençage ADN des gens sans passer par leur médecin. Le génome est trop compliqué à interpréter. Il y a des risques de confusion. Quelqu’un qui n’est pas généticien, informaticien ne peut pas comprendre les milliards d’informations qu’il y a dans un génome.

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