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Le cinéma muet sur une nouvelle voie

Dans locaux de la Fondation, un vieux projecteur côtoie d'anciennes affiches Pathé. ERIC FEFERBERG/AFP

Dédiée au septième art sans parole, la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé vient d'ouvrir ses portes à Paris. Le Théâtre du Châtelet, la Philarmonie et la Cité de la musique se tournent aussi vers ce genre en vogue.

On peut être numéro un mondial du film muet et être toujours derrière un micro. Ces jours-ci, Serge Bromberg, le patron de Lobster, a un emploi du temps particulièrement chargé. Vendredi, à Shanghaï, il accompagnera au piano des films anciens projetés lors d'une somptueuse fête de la maison Hermès. Ensuite l'attend une tournée américaine au MoMA, à New York, puis à l'Académie des Oscars, à Hollywood où des hommages lui seront rendus. Ce jeudi, il était rive gauche à Paris pour découvrir la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé.

Au 73, avenue des Gobelins, devant le bâtiment dessiné par Renzo Piano - imaginez une montgolfière transparente posée sur les toits de Paris -, on avait l'impression que l'incessant ballet de voitures était en provenance directe du Festival de Cannes. À l'intérieur, sous le regard admiratif de son mari Jérôme, Sophie Seydoux, présidente de la Fondation, faisait découvrir son «bébé» à Roman Polanski, Bertrand Tavernier, Jamel Debbouze et bien d'autres. Thomas Langmann embrassait Carole Bouquet. Anne Hidalgo était aux anges d'avoir un «lieu qui embellit autant Paris».

Dirigée par Sophie Seydoux, cette fondation est un temple dédié au muet. Dès aujourd'hui, on peut y admirer les appareils d'autrefois, comprendre sur iPad le fonctionnement de ce cinéma. Et se faire une toile dans la salle en forme de cocon. Assis dans l'un des 70 fauteuils rouges extralarges, on y retrouve l'ambiance des séances d'il y a cent ans. Certes, sans jongleur ni cigares mais un pianiste joue sur scène et le rythme de la projection est là: cinq minutes d'actualités, un court-métrage (la première montée au mont Blanc jamais filmée, par exemple, avec les femmes en robes longues sur les échelles au-dessus des crevasses) et le film.

«Un trésor dans une grange»

Comme autrefois, la musique live couvre les bruits de la salle. Quand le noir se fait, les notes du piano donnent une émotion intacte d'une force incroyable. «Pour des raisons sentimentales, nous lançons la programmation avec le fonds Morieux, explique Sophie Seydoux. Il y a quatre ans, j'ai reçu un coup de fil des héritiers de ce forain fou de cinéma. Ils vidaient une grange où j'ai découvert un trésor exceptionnel: les décors dont on se servait pour expliquer les actualités dans les foires, des affiches et 45 films (La Vie aux Indes, La Petite Aveugle, Noce à bicyclette…) dont les premiers effets spéciaux. Le tout dans un état exceptionnel: les malles n'avaient jamais été ouvertes depuis 1907!»

Le nez en l'air pour regarder la nef en forme de coque de bateau renversée, Jérôme Seydoux plaisante: «La Fondation a mis sept ans de réflexion pour voir le jour.» Ce n'est pas plus mal. L'ouverture tombe au bon moment. Démodé depuis les années 1930, le muet redevient tendance. Cette rentrée, il figure au programme de tous les lieux chics de la culture. Au Châtelet. À la Cinémathèque de Toulouse. À la Philharmonie de Paris. À la Cité de la musique. Le 8 novembre à Pleyel, la projection de J'accuse d'Abel Gance avec un orchestre philharmonique, en présence de François Hollande et de Manuel Valls sera l'un des événements phares de la saison. «Les spectateurs veulent vivre l'expérience collective du cinéma autrement», analyse le sociologue Emmanuel Ethis, président de l'université d'Avignon.

Poignée de passionnés

Le succès planétaire de The Artist , de Blancanieves et de Tabou, trois récents films muets en noir et blanc l'a prouvé: «Nous sommes tous en quête d'identité avec l'envie de revenir aux valeurs sûres. Or le cinéma muet fait partie de notre ADN, ajoute Serge Bromberg. Le film d'il y a cent ans, c'est un monde perdu totalement fantastique.»

La nouvelle vie du muet doit tout à une poignée de passionnés et au numérique. D'abord, «le prix des restaurations a chuté de 1 million à 100.000 euros par heure», explique Sophie Seydoux. Ensuite, les projections sont redevenues économiquement viables. Jusqu'en 2011, la circulation des œuvres était limitée par des problèmes techniques. «Quand le cinéma a été créé par les frères Lumière, on tournait la manivelle des projecteurs à 12 puis 16 et 18 images par seconde, raconte Serge Bromberg. À la fin des années 1920, à l'arrivée du parlant, on s'est définitivement calé à 24 images par seconde. Depuis, les salles étaient incapables de projeter les plus vieux films: elles n'avaient plus les bons projecteurs! Le cas échéant, il fallait monter et démonter cinq grosses bobines à chaque séance. Un travail de folie. Aujourd'hui, le film est sur un disque dur, il est hypersimple de le montrer.»

Dans quelques mois, Jérôme et Sophie Seydoux présenteront Pourquoi j'ai pas mangé mon père de Jamel Debbouze. Le premier film français tourné en performance capture. La boucle sera bouclée.


Carnet de route

21 septembre: Faust de Murnau/Zygel, Théâtre du Châtelet (Paris Ier).

24 septembre: Films d'animation soviétique, Cinémathèque de Toulouse (31).

30 septembre: Les Ailes de William Wellman, Le Balzac (Paris VIIIe).

15 octobre: Nosferatu de Murnau, Orchestre national de Lyon, Auditorium de Lyon (69).

16 octobre: La Terre d'Alexandre Dovjenko, Cinémathèque de Toulouse (31).

19 octobre: L'Aurore de Murnau, Zygel, Théâtre du Châtelet (Paris Ier).

8 novembre: J'accuse d'Abel Gance. Orchestre philarmonique de Radio France, Salle Pleyel (Paris VIIIe).

9 novembre: Charlot soldat, Salle Pleyel (Paris VIIIe).

Agenda complet jusqu'à juin 2015 sur www.lefigaro.fr/culture

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