INTERVIEWFrappes américaines en Somalie: «Barack Obama envoie un message aux Américains»

Frappes américaines en Somalie: «Barack Obama envoie un message aux Américains»

INTERVIEWL’historien François Durpaire décrypte la diplomatie américaine, entre Somalie, Irak et Syrie...
Barack Obama donne un discours à Milwaukee, aux Etats-Unis, le 1er septembre 2014.
Barack Obama donne un discours à Milwaukee, aux Etats-Unis, le 1er septembre 2014. - JIM WATSON / AFP
Nicolas Beunaiche

Nicolas Beunaiche

Attentisme en Syrie, frappes aériennes en Somalie… Les Etats-Unis auraient-ils perdu toute cohérence dans leur politique étrangère? L’historien spécialiste des Etats-Unis François Durpaire analyse pour 20 Minutes la diplomatie américaine, guidée par la doctrine Obama.

L’intervention américaine en Somalie est-elle surprenante?

Non, les frappées aériennes sont logiques. Les shebab sont un groupe islamiste suivi par le renseignement américain, en particulier depuis l’attentat du centre commercial de Nairobi, en septembre 2013. Par ailleurs, ces derniers jours, les shebab ont attaqué des lieux stratégiques en plein cœur de Mogadiscio. Les Etats-Unis ont donc voulu montrer qu’ils pouvaient prendre part de la lutte contre les djihadistes. L’attaque reste, en outre, en cohérence avec la doctrine Obama, qui refuse les interventions au sol et leur préfère des frappes ciblées supportées par les services de renseignement. Sur le plan intérieur, Barack Obama envoie aussi un message à l’opposition républicaine au Congrès, en pleine campagne à l’approche des élections de mi-mandat de novembre, à Hillary Clinton, qui reproche à Kerry et à Obama d’être faibles sur le plan diplomatique, et à la frange de l’opinion qui se dit insuffisamment protégée par leur gouvernement.

Présage-t-elle une intervention similaire en Syrie, à laquelle Obama a dit ne pas penser pour le moment?

En Syrie, Barack Obama considère qu’il ne dispose pas encore de renseignements suffisants pour intervenir. La CIA est pour l’instant incapable de faire remonter des informations permettant de repérer des cibles précises, malgré l’usage de drones. Or le président américain ne frappera pas la Syrie sans cela. Il ne veut pas lancer de bombes sur des civils; ses stratèges, très différents de ceux de George W. Bush, insistent sur le risque de provoquer du ressentiment parmi les populations, car il facilite le recrutement des djihadistes. Obama met donc le paquet sur le renseignement. A ce titre, la nomination de Leon Panetta, l’ancien chef de la CIA, comme secrétaire d’Etat à la Défense [en 2011 et jusqu’en 2013] est tout à fait significative. On peut considérer que c’est le moment qui a marqué la bascule.

L’opinion américaine suit-elle Barack Obama dans ses orientations diplomatiques?

Les Américains sont majoritairement déçus par la politique étrangère. Selon un sondage, 47 % d’entre eux sont critiques vis-à-vis de la diplomatie de l’administration Obama, contre 36% qui s’en disent satisfaits. Le recul est impressionnant par rapport au premier mandat d’Obama, qui avait alors une cote très forte en matière de homeland security. Aujourd’hui, l’opinion juge les orientations de la Maison Blanche confuses. Cependant, il y a quand même un paradoxe dans tout cela. Car si une majorité d’Américains trouve la politique étrangère de leur pays faible, ils sont aussi opposés aux trois-quarts à plus d’interventions au sol, notamment en Irak, et ne veulent pas revenir à une politique à la Bush. Cela réduit la marge de manœuvre des Républicains. Un certain nombre de voix demandent par exemple de réexaminer le calendrier du retrait définitif en Afghanistan, prévu fin 2016, mais l’opinion américaine n’y est pas favorable.

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