POLITIQUETravail dominical: L’ordonnance ou l’ultime recours d’un gouvernement en froid avec sa majorité

Travail dominical: L’ordonnance ou l’ultime recours d’un gouvernement en froid avec sa majorité

POLITIQUECertains élus de gauche critiquent cette procédure qui permet de contourner le débat parlementaire...
Photo d'archives du Premier ministre Manuel Valls à l'Assemblée nationale le 30 avril 2014
Photo d'archives du Premier ministre Manuel Valls à l'Assemblée nationale le 30 avril 2014 - Pierre Andrieu AFP
Thibaut Le Gal

Thibaut Le Gal

Légiférer «à la hussarde», mais de manière tout à fait légale. Le gouvernement a indiqué vendredi qu’il allait recourir à des ordonnances pour certains aspects du projet de loi sur la croissance. Un texte qui prévoit la déréglementation de certaines professions protégées (notaires, huissiers…), et un assouplissement des conditions de travail le dimanche. L’objectif: restituer six milliards d’euros aux Français. L’annonce d’un recours aux ordonnances a réveillé la fronde des parlementaires socialistes, et provoqué la colère des syndicats qui voient là un «déni de démocratie». Pourquoi le gouvernement veut-il passer par cette méthode controversée? 20 Minutes fait le point.

Qu’est ce qu’une ordonnance?

C’est une procédure qui permet au gouvernement de légiférer sans avoir à débattre du détail du texte. «L’article 38 de la Constitution permet au gouvernement de légiférer par ordonnance, après l’accord du Parlement. Le Premier ministre doit préciser le domaine dans lequel il compte prendre des ordonnances, par exemple ici le droit du travail, et la durée de l’habilitation», précise le professeur en droit constitutionnel à l’université Paris I Sorbonne, Dominique Rousseau. «A l’issue d’un vote dans les deux chambres, la loi d’habilitation entrera ou non en vigueur».

Pourquoi le gouvernement veut-il avoir recours aux ordonnances?

Première raison invoquée par le Premier ministre, «aller plus vite». «Une fois habilité, le gouvernement peut prendre les ordonnances. Celles-ci sont arrêtées en conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat, et entrent en application immédiatement après leur publication.» Un moyen d’éviter les va-et-vient d’un texte entre l’Assemblée et le Sénat, et de supprimer la phase de délibérations et d’amendements. «Une réforme peut alors être adoptée en un ou deux mois contre une bonne année par la voie traditionnelle», assure Dominique Rousseau.

Seule nécessité pour le gouvernement: déposer le projet de ratification dans le délai imparti par la loi d’habilitation. «Il n’a pas nécessité à être ensuite voté. Cela montre que l’ordonnance est un instrument dirigé contre le Parlement», ajoute-t-il.

La méthode permet également au gouvernement d’éviter une discussion difficile avec sa majorité. «Manuel Valls préfère visiblement avoir une discussion difficile un bon coup lors de la demande d’habilitation. Il s’évitera ainsi de devoir gérer la colère des frondeurs pendant un an», estime le professeur.

Quel risque pour le gouvernement?

Même s’il dispose d’une majorité dans les deux chambres, le gouvernement prend le risque de ne pas obtenir l’habilitation. «Auquel cas, le gouvernement pourra engager sa responsabilité sur ce texte de loi, c’est-à-dire poser la question de confiance de l’article 49.3. Le débat n’aurait plus pour objet le recours aux ordonnances mais la confiance au gouvernement. Valls forcerait les députés à faire un choix terrible. Cela reviendrait à dire: «Renversez-moi». Ce serait le signe que le gouvernement a perdu sa majorité parlementaire.

Une procédure souvent utilisée?

«Le gouvernement demande souvent à légiférer par ordonnance pour simplifier des textes. Lorsqu’il s’agit de réformer un régime juridique, c’est plus rare. En 1967, Georges Pompidou ne disposait que d’une majorité d’une ou deux voix. Le Premier ministre avait eu recours aux ordonnances pour modifier le régime de sécurité sociale. Quelques mois plus tard, il démissionnait après la crise de mai 1968», prévient Dominique Rousseau.



Dernier exemple en date en 2005. Dominique de Villepin utilise la méthode pour son Contrat nouvelle embauche (CNE). A la tribune de l’Assemblée nationale, une voix fustige cette «méthode détestable», ce renoncement «à la confrontation démocratique et au débat serein». Cette voix est celle du député de Corrèze de l’époque, François Hollande.



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