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Philippine de Rothschild est morte

Née en 1933, la baronne a passé trente ans à la Comédie-Française avant de reprendre le domaine viticole familial.

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Publié le 23 août 2014 à 13h27, modifié le 25 août 2014 à 15h11

Temps de Lecture 4 min.

La baronne Philippine de Rothschild en juin 2009.

« Si le nom de Rothschild avait été essentiel dans mes choix de vie, je n'aurais jamais fait ce que j'ai fait. » Toute la vie de Philippine est dans cette phrase. La baronne Rothschild est morte à l'âge de 80 ans, dans la nuit de vendredi 22 à samedi 23 août. Son entourage a confirmé l'information révélée par Lepoint.fr.

Cette baronne n'était pas une Rothschild comme les autres. « Je sais que les choses n'arrivent pas qu'aux autres », confiait-elle au Monde, en 2001. Une façon pudique de résumer le poids qu'a représenté pour elle ce patronyme hérité de son père Philippe – sixième génération de la « branche anglaise » de la célèbre dynastie de financiers –, dont elle hérita un château... à Bordeaux ; Mouton-Rothschild, grand cru classé.

PASSÉE TROP TÔT PRÈS DE LA MORT

« Madame la Baronne » laissera à la postérité un prénom autant, sinon plus, qu'un nom. Et une leçon de vie. Née en 1933, année funeste s'il en est dans l'histoire du XXe siècle, Philippine de Rothschild avait l'appétit de vivre de ceux qui sont passés très tôt tout près de la mort. C'était le 22 juin 1944. Son père, le baron Philippe, a rejoint De Gaulle à Londres (en 1942). Alors que Paris commence à secouer le joug des nazis, deux officiers allemands se rendent au domicile de son épouse, Elisabeth Pelletier de Chambure. L'un des deux hommes se laisse attendrir par la petite fille de 10 ans qui lui rappelle la sienne. Mais il n'épargne pas la maman, qui disparaîtra à Ravensbrück, où elle partit en juillet 1944 par le dernier train de déportés – le suivant fut bloqué à la frontière...

La jeune Philippine découvrit ce jour-là qu'elle portait un blason rouge sang (rothschild) ; prestigieux, mais à double tranchant.

Exit, donc, ce nom si lourd à porter, lorsqu'elle choisira de faire du théâtre. Nom de scène : Philippine Pascal. Elle a 25 ans. « Si tu le fais, fais-le mieux que les autres », lui dit simplement son père adoré. N'avait-il pas lui-même accolé à son blason un titre inattendu : Mouton ? C'est le nom du château que sa famille possédait à Pauillac, en Médoc, depuis 1853, et dont il se fera un devoir d'obtenir, en 1973, l'intégration dans le classement officiel de 1855 des grands crus du bordelais.

AU THÉÂTRE DANS DES RÔLES DE SOUBRETTE

Trente ans durant, de la Comédie-Française (1958-1964) à la compagnie Renaud-Barrault (1973-1987), en passant par le boulevard, le théâtre sera la deuxième famille de Philippine. Elle y rencontrera les deux pères de ses trois enfants, Philippe, Camille et Julien : Jacques Sereys et Jean-Pierre de Beaumarchais. Y jouera avec Marie Bell, Jean-Claude Brialy, Robert Lamoureux, Madeleine Renaud... Y excellera entre autres dans les rôles de soubrette – un comble pour une Rothschild, ironisait-elle. Mais un emploi bien en accord avec son caractère curieux de tout, bavard, pétillant.

Sa première famille se rappelle à elle en 1988, lorsque le baron Philippe meurt. La fille unique n'envisage pas un instant de laisser à un quelconque « maire du palais » la gestion du domaine. Ni celle de la société de négoce familiale, dont elle fera le premier exportateur de vin de Bordeaux dans le monde. « Chez les Rothschild, il y a une sorte de fatalité à devoir prendre la suite... », soupirait avec tendresse M. de Beaumarchais.

Dans cet univers de comédie sociale qu'est le Bordeaux des grands crus, Philippine impose vite son personnage : « Madame la Baronne », bien sûr... Un premier rôle, enfin ! Son talent de comédienne, son caractère extraverti font merveille. Son nom aussi, dont elle saura user sans (trop) abuser, avec tact et noblesse. « A Mouton, les gens sont tout sauf obséquieux à mon égard », disait-elle, fière de s'être fait adopter par les gens du cru.

Le portrait : Philippine de Rothschild, du théâtre à la comédie sociale

UNE PATTE ARTISTIQUE DANS LES GRANDS CRUS

La jeunesse, chez Philippine de Rothschild, n'était pas affaire d'apparence, mais de tempérament. Elle mit en scène l'image à la fois « classe » et « branchée » créée par son père, très à cheval sur l'étiquette... de ses bouteilles. Il fut le premier à inscrire « mise en bouteille au château » sur les flacons – défi et atout commercial face à la toute-puissance des négociants du quai des Chartrons.

Communicant hors pair, le baron Philippe confie l'illustration de chaque millésime de Mouton-Rothschild à un artiste de renom. Bacon, Chagall, Dali, Picasso auront les honneurs de l'étiquette. Philippine poursuivra l'œuvre, aujourd'hui réunie dans la « collection Mouton-Rothschild », au Musée du Vin dans l'Art attenant aux chais du prestigieux domaine.

La suite, désormais, est entre les mains de ses deux fils, Philippe « le financier » et Julien « l'artiste », déjà associés aux affaires par leur mère. Des Rothschild pur jus – branche Philippine... « Mouton ne change », dit la devise du château.

Philippine de Rothschild (à gauche), propriétaire du Château Mouton-Rothschild, pose en compagnie de ses deux fils Julien (2e à gauche) et Philippe en 2003 à Pauillac.
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