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Analyse

Les banques doivent-elles craindre les géants du Net ?

Des acteurs comme Google, Amazon ou Facebook veulent profiter du développement du téléphone mobile pour s'imposer sur le marché des moyens de paiement. Une menace redoutable pour les banques.

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Par Ninon Renaud

Publié le 17 avr. 2014 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

A lui seul, l'acronyme résonne comme une mise en garde aux oreilles des banques : « Gafa », pour Google, Amazon, Facebook et Apple. Ces géants de l'Internet et de l'e-commerce veulent profiter du développement du téléphone mobile pour s'imposer sur le marché des moyens de paiement. Si peu sexy et rentable soit-il, ce métier apparaît en effet dans leur écosystème comme le pendant d'autres services à forte valeur ajoutée, liés aux nouvelles fonctionnalités offertes par les smartphones. Ceux-ci modifient les usages en permettant de personnaliser les offres commerciales, d'éviter les files d'attente ou encore d'identifier par géolocalisation un client potentiel dans une zone de chalandise.

Jusqu'ici les banques ont affiché un certain flegme. N'ont-elles pas déjà eu à affronter d'autres offensives sur ce marché coeur, qu'il s'agisse des systèmes de cartes privatives American Express ou Diners au siècle dernier, ou plus récemment des cartes affinitaires d'établissement de paiement comme Aqoba ? Des intrusions cantonnées à des marchés de niche. Mais la donne a changé : les barrières à l'entrée du marché des moyens de paiement, qui pouvaient refroidir des acteurs plus petits, n'arrêteront pas ces géants des temps modernes. Ils disposent en effet tous d'une capitalisation boursière de nature à leur donner les moyens financiers de leurs ambitions.

L'avalanche de contraintes réglementaires pesant sur le marché des moyens de paiement est sans doute un frein plus sérieux. C'est la raison pour laquelle les banques conservent aujourd'hui le statut de tiers de confiance par excellence. Toutefois, la dernière faille de sécurité, baptisée « Heartbleed », mise au jour au sein du logiciel OpenSSL, a révélé qu'elles n'étaient pas non plus à l'abri des hackers. Ce semblant de banalisation est une mauvaise nouvelle alors même que la directive européenne en préparation sur les services de paiement (DSP2) promet de faire la part belle aux acteurs non bancaires. « La possibilité qui serait donnée aux prestataires de services de paiement tiers d'accéder au compte bancaire de leurs clients pourrait constituer un véritable cheval de Troie pour les banques », constate Pascal Burg, directeur du bureau français d'Edgar, Dunn & Company. « Plus généralement, le régulateur européen donne de plus en plus de pouvoir aux marchands. »

Dans ce contexte, la menace devient d'autant plus précise que les Gafa lorgnent désormais le commerce physique. Jusqu'ici, leur base de clientèle avait beau être bien supérieure à celle des banques - Facebook à lui seul dispose de 945 millions d'utilisateurs sur mobile dans le monde -, elle ne leur donnait accès qu'aux données liées aux transactions en ligne, qui ne représentent pas plus de 10 % du commerce. Leur connaissance client ne pouvait donc être que très parcellaire. Mais Amazon a par exemple annoncé son intention d'installer des tablettes Kindle chez les commerçants pour remplacer leurs caisses enregistreuses. Comme sur Internet, les données de paiement captées pourront enrichir les algorithmes utilisés pour approfondir la connaissance de chaque client et lui faire des offres personnalisées.

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Et pourquoi pas aussi dans les services bancaires ? L'exemple d'Alibaba, en Chine, a de quoi faire réfléchir sur la capacité de ces acteurs à « désintermédier » les banques. Fort de ses relations avec des dizaines de milliers de commerçants, le géant chinois du commerce en ligne a proposé des prêts aux PME, puis de l'épargne. Il a ainsi drainé en quelques mois 50 milliards de dollars, moyennant des taux de rémunération très attractifs. Et il promet de lancer prochainement une carte de crédit. Certes, le phénomène « n'est pas transposable dans des pays matures comme les nôtres, mais cela montre bien que, en habituant le client à gérer ses flux d'argent, on peut l'amener vers d'autres services bancaires », souligne Olivier Sampieri, associé au BCG.

Le fait qu'aucun standard de paiement avec un mobile ne se soit encore imposé garantit un sursis aux banques mais il n'y a plus de temps à perdre pour organiser la riposte. Si PayPal n'a pas percé aux Pays-Bas, c'est parce que les banques néerlandaises se sont dotées d'une solution commune de paiement en ligne baptisée « Ideal », par laquelle passent plus de 84 % des achats en ligne. C'est ce même type d'alliance entre banques, au sein du GIE Cartes bancaires, qui a fait le succès de la CB en France. Mais, aujourd'hui, « les établissements bancaires balancent entre l'idée de s'allier pour s'assurer que ce marché potentiel ne leur échappe pas et la tentation de faire cavalier seul car ils voient dans le paiement mobile un axe fort de différenciation », résume Olivier Sampieri.

L'arrivée de Fivory, le dernier-né des moyens de paiement bancaires, ouvre une voie intermédiaire. Plutôt que de le déployer lui-même, comme ses concurrents, le Crédit Mutuel-CIC fait le choix d'en confier la distribution aux commerçants. Ces ennemis d'hier, qui se sont tant battus contre les banques pour baisser les commissions liées aux paiements par carte, deviennent ainsi des alliés. « Comme dans le monde du logiciel, les paiements vont voir se développer des logiques de "coopétition" : les banques vont s'allier avec des partenaires dans certains domaines ou géographies et être concurrentes dans d'autres », anticipe Pascal Burg. Cette logique nouvelle résoudra-t-elle pour autant la question du standard de place capable de bouter les géants du Net hors du marché des paiements ? Difficile à dire, mais si coûteux ce pari puisse-t-il se révéler pour les banques, elles semblent prêtes à le relever.

Les points à retenir

Les fonctionnalités offertes par les smartphones ouvrent de nouveaux horizons aux géants du Web et du commerce électronique, qui commencent à se positionner sur les moyens de paiement.

L'exemple d'Alibaba a de quoi faire réfléchir : fort de ses relations avec des dizaines de milliers de commerçants, le spécialiste chinois d'e-commerce a commencé par proposer des prêts aux PME, puis de l'épargne.

Il a ainsi drainé en quelques mois 50 milliards de dollars, moyennant des taux de rémunération très attractifs. Et il promet de lancer prochainement une carte de crédit.

Chef du service Finance Ninon Renaud

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