Enlever la béquille Orange pour voir si Free peut marcher tout seul
Arnaud Montebourg veut faire de 2014 l'année du début de la fin de l'itinérance, afin que Free Mobile déploie vite son réseau.
Par Solveig Godeluck
Au-delà de la prose anticoncurrentielle, le discours d'Arnaud Montebourg vendredi avait un objectif : inciter à la fin de l'itinérance. Ce contrat passé en 2011 entre l'ex-France Télécom et Free permet au quatrième opérateur de louer les antennes du premier tant qu'il n'a pas fini de construire sa propre infrastructure, c'est -à-dire jusqu'en décembre 2017. Ainsi la filiale d'Iliad a-t-elle pu ouvrir son service avec la même couverture réseau que ses concurrents et amasser près de 8 millions de clients en deux ans. Mais Arnaud Montebourg veut préparer les esprits à la fin de l'itinérance. Sinon le petit dernier ne sera pas incité à déployer son réseau. Avec le risque que, en 2018, personne n'ose retirer cette béquille à un opérateur devenu énorme et que l'itinérance s'éternise. « 2014 sera l'année de la négociation du calendrier et des modalités de la fin de l'itinérance », a prophétisé le ministre, qui parle d'une « sortie progressive », donc « programmée à l'avance ».
Le schéma doit prévoir « l'extension de la couverture », mais aussi « la densification du réseau » de Free Mobile pour qu'il tienne la charge. « L'implantation des capacités doit être désormais commandée par la perspective de sortie de l'itinérance », a précisé Arnaud Montebourg, ajoutant que « le rythme et la localisation des efforts doivent être définis rapidement et pouvoir être contrôlés ».
La question de l'Ile-de-France, où les clients de Free sont nombreux, va se poser. Mais comme il est difficile d'y poser des antennes (encore plus si la loi Abeille entre en vigueur), cela viendra sans doute tard. De même, il sera difficile d'éteindre l'itinérance en 2G, même en 2018, car Free n'a pas assez de fréquences.
Orange en position de force
Reste à savoir qui va piloter la sortie effective de ce contrat de droit privé. L'Autorité de la concurrence avait demandé à l'Arcep de le faire. Mais le régulateur des télécoms estime que la priorité doit plutôt être de trouver un partenaire de mutualisation pour Free Mobile, puisque SFR et Bouygues se rapprochent. La balle est dans le camp de Stéphane Richard, le PDG d'Orange, qui est candidat à sa propre succession et qui a intérêt à ménager l'actionnaire étatique. Dans une interview au « Figaro » en décembre, le PDG a menacé Free d'une interruption de contrat. L'itinérance lui procure certes de substantiels revenus (718 millions d'euros en 2013), mais ils vont diminuer dès 2015. Puisqu'il transporte encore la majorité du trafic de Free Mobile, Orange est en position de force pour renégocier ce contrat et le rendre de plus en plus onéreux. Ou bien pour mettre en place une mutualisation.
Deux dates clefs
Au 12 janvier 2015. Free devra couvrir 75 % De la population française pour respecter ses engagements. Fin décembre 2017. Fin programmée du contrat d'itinérance passé en 2011, qui permet actuellement à Free Mobile d'utiliser les antennes du réseau d'Orange en complément du sien.
S. G.