La Ministre de l'Enseignement supérieur a décidé de supprimer la bourse au mérite. Cette bourse, versée aux élèves boursiers de Terminale ayant eu la mention Très Bien au Bac était pourtant un indispensable coup de pouce pour les élèves issus de familles modestes. Elle leur permettait de poursuivre leurs études dans l'enseignement supérieur avec des chances équivalentes à celles de leurs camarades n'ayant pas de problèmes de budget. Sa suppression est annoncée 3 jours après les résultats du bac: jolie récompense pour ceux qui ont osé se démarquer en ayant des résultats supérieurs à la moyenne.
Toute l'année, mon fils a travaillé dur pour obtenir cette mention. Il a obtenu son bac S avec mention Très Bien: il a atteint son objectif. Il était rassuré: il sait que malgré la bourse sur critères sociaux dont il bénéficie, il va m'être très difficile de payer l'internat de la prépa qu'il va intégrer en septembre. Alors l'année dernière, il a accumulé des petits boulots. Pendant les vacances d'été 2012, il a travaillé. Pendant les vacances de Pâques, alors que ses camarades révisaient pour le bac ou se reposaient, il travaillait.
Je ne lui ai pas encore dit que ses efforts n'avaient servi à rien. Actuellement, il est dans une exploitation agricole. Il gagne le Smic agricole, mais comme il travaille 50 heures par semaine, 7 jours sur 7, il alimente sa « cagnotte » pour l'année prochaine. En août, il retourne bosser en usine. Pas de vacances cette année encore. Il croit toujours qu'il bénéficiera de la bourse au mérite, 200 euros par mois 9 mois par an, pour l'aider à financer ses études, pour ne pas avoir à trouver un job pendant l'année ou les vacances, tandis que ses camarades de promotion pourront se consacrer entièrement à leurs études.
Je ne lui ai pas encore dit que cette bourse a été supprimée du jour au lendemain, comme une promesse non tenue, parce que comment lui expliquer que finalement, bosser dur n'est pas payant? Que le « mérite » n'existe plus?
Cette suppression soudaine est d'autant plus injuste qu'il est trop tard, maintenant, pour tenter d'adapter ses études à ses moyens financiers. Depuis mai, il n'est plus possible de changer ses vœux sur le terriblement rigide service en ligne « Admission Post Bac » mis en place par le gouvernement. Combien de futurs étudiants sont dans ce cas, ont choisi leur future orientation en comptant sur cette bourse qu'ils s'étaient donné les moyens d'obtenir en travaillant dur? Combien se demandent, aujourd'hui, comment ils vont s'en sortir?
Je suis aujourd'hui désolée et inquiète. J'ai toujours expliqué à mes enfants que lorsque l'on se donne les moyens de réussir, on atteint ses buts. J'en ai fait des ados volontaires et bosseurs, qui osent avoir des rêves et se battent pour les réaliser. Je leur disais qu'en France, on n'abandonne pas quelqu'un qui veut s'en sortir. Je vais devoir changer mon discours.
Je vais leur expliquer que si on exige d'eux de toujours tenir leurs engagements, l'Etat, lui, peut décider du jour au lendemain de changer les règles du jeu. Et tant pis s'ils ont cru aux promesses qui leur ont été faites. On ne peut compter que sur soi: les prétendues «aides» et «l'égalité des chances», ça n'existe pas. Pas en France.
Déjà en avril, une loi a été votée pour instaurer des droits d'inscription en classes préparatoires, sous prétexte que parmi les étudiants en prépa «51% d'entre eux ont des parents cadres supérieurs ou exerçant des professions intellectuelles». Et bien pas de problème, cette situation va perdurer. On va pouvoir laisser les enfants de cadres sup entre eux.