Seconde Guerre mondiale : l'exploit oublié

En juin 1942, un aviateur britannique narguait les Allemands en volant en rase-mottes sur les Champs-Élysées. Il a fallu une vente aux enchères pour qu'on s'en souvienne.

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Les Champs-Élysées lors de la libération de Paris, le 25 août 1944.
Les Champs-Élysées lors de la libération de Paris, le 25 août 1944. © Sipa

Temps de lecture : 3 min

C'est une vente aux enchères un peu particulière qui a eu lieu vendredi 30 novembre à Colchester, dans l'Essex. Sous le marteau du commissaire-priseur James Grinter ont été dispersés des objets personnels ayant appartenu à un héros quasi méconnu de la Seconde Guerre mondiale. Parmi ces souvenirs, outre un carnet de vol et des gravures relatant un fait de guerre exceptionnel, une demi-douzaine de décorations britanniques, dont la Distinguished Flying Cross et la Distinguished Service Cross (DSC). Mais aucune décoration française.

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Pourtant, celui dont on vendait ce jour-là les trophées à l'encan méritait sans aucun doute que la France le remercie. Car c'est pour remonter le moral de nos compatriotes subissant l'occupation et montrer, à un moment critique de la guerre, que l'ennemi était vulnérable que le Wing Commander Ken Gatward a accompli à la barbe des Allemands un exploit d'une audace incroyable : le 12 juin 1942, aux commandes de son bombardier Beaufighter, en prenant de vitesse la DCA et les escadrilles de Focke Wulf basées autour de Paris, il a survolé à basse altitude les Champs-Élysées et a largué sur l'Arc de Triomphe un immense drapeau français.

Opération "Accrochage"

Cette idée un peu folle était née d'une information obtenue par les services de renseignements britanniques. Ils avaient appris que, tous les jours, entre 12 heures et 12 h 45, un détachement de la Wehrmacht ou des SS venait parader sur les Champs-Élysées. La Royal Air Force décide alors de venir ridiculiser les Allemands en portant un coup spectaculaire à leur arrogance de vainqueur. L'objectif de l'opération "Squabble" (accrochage) était de profiter de leur défilé quotidien pour venir les mitrailler pendant qu'ils se pavanaient sur la plus belle avenue du monde.

Mais pour que l'opération réussisse, il fallait qu'une couverture nuageuse importante sur la Manche et les côtes françaises permette à l'avion de ne pas être repéré et qu'au contraire un temps dégagé et une bonne visibilité l'autorisent à voler à très basse altitude. Après quatre essais infructueux, les conditions ont été réunies le 12 juin 1942. Après avoir décollé de sa base de Thorney Island, Ken Gatward, en compagnie de son mitrailleur le sergent Fern, a franchi les côtes françaises à Fécamp, alors sous une pluie battante. Son carnet de vol indique que le temps a commencé à s'améliorer au-dessus de Rouen et qu'il faisait un grand soleil quand il a plongé après les collines de Saint-Cloud vers la tour Eiffel "qui se dressait, à côté de la Seine, comme une curieuse allumette".

"Je n'oublierai jamais..."

En volant à la hauteur des derniers étages des immeubles, il a remonté les Champs-Élysées à 12 h 27 précisément... Las, c'était quelques minutes trop tôt pour le défilé allemand, dont les troupes commençaient seulement à se regrouper dans une rue adjacente. Mais pour ne pas rentrer en Angleterre sans avoir tiré un coup de feu, le Beaufighter a viré sur l'aile pour attaquer le second objectif qui lui avait été assigné : le QG de la Gestapo de la rue Lauriston. Après quoi il a délicatement largué deux immenses flammes tricolores, l'une sur l'Arc de Triomphe, l'autre sur le ministère de la Marine à la Concorde. "Je n'oublierai jamais, a écrit Gatward, l'étonnement des Parisiens en manches de chemise voyant cet avion anglais raser les toits des Champs-Élysées."

Après la libération, pour le remercier de ce coup d'audace, la France reconnaissante a offert au Wing Commander Gatward... un magnum de champagne. Dont la caisse en bois ornée d'un ruban tricolore avait été soigneusement gardée par l'ancien aviateur. La caisse et son ruban ont été mis aux enchères, vendredi, en même temps que ses décorations.

Commentaires (18)

  • homo sapiens

    De toute façon, que l'on aime ou pas les Allemads, il est indispensable d'être alliés, ce qu'avait bien compris le Général de Gaulle, et pourtant il avait souffert dans sa chair de leurs agissements !.

  • alpen

    Vous semblez voir les choses du mauvais côté de la lorgnette. La xénophobie anti allemande vous aveugle. Je note que vous ne prononcez pas un mot d'admiration pour ces héros britanniques.

  • le consul

    Je me souviens que mon père parlait de ce pilote, Français, engagé dans la RAF, qui après avoir photographié les usines Renault de Billancourt. Il a volé en rase-mottes en descendant la Seine, à la grande joie des mitrailleurs allemands, (il y avait une batterie sur le pont)qui attendaient que celui ci remonte. Ils l'attendent encore, l'histoire dit que ce pilote était un ingénieur qui avait travaillé à l'étude du pont, et savait que ça pouvait passer. J'ai eu l'occasion de voir un montage, un Spitfire dans le passage entre deux arches, pas des masses de place entre le bout des ailes et les piles, ni au dessus ni en dessous. Si quelqu'un a des données plus précises sur ce fait, je suis preneur, merci d'avance.